Agro écologie : ces femmes de Korsimoro qui nourrissent la terre pour se nourrir.
Comme un peu partout ailleurs, l’utilisation répétée d’engrais chimiques et de pesticides a fortement dégradé les terres du Burkina Faso, laissant aux agriculteurs des terres pauvres en nutriments, peu propices à l’agriculture. La baisse de production qui en résulte met leur sécurité alimentaire en danger. Cependant, l’agro écologie permet d’augmenter la productivité et donc d’améliorer les conditions de vie des producteurs tout en assurant le renouvellement de la fertilité des sols et des ressources naturelles. Créé en 1990, dans la perspective de la recherche des solutions pour l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire au Burkina Faso, par des visionnaires, qui ont crue à la terre nourricière et aux capacités des vaillants producteurs à prendre en charge leur développement, l’Association pour le développement des techniques agro écologie (ADTAE) est aux côtés des femmes de Korsimoro depuis quelques années pour leur autosuffisance et épanouissement avec l’aide de la Mutuelle de microcrédit en milieu rural de ladite association.
30 ans après la formation des premiers élèves de Pierre Rabhi, pionnier de l’agriculture écologique en France, agriculteur, philosophe, auteur et inventeur du concept «Oasis en tous lieux» au Burkina Faso, la relève agro écologique se déploie en Afrique de l’Ouest. L’ADTAE fait partie aujourd’hui de ces associations qui accompagnent les femmes paysannes vers la reconquête de leur autonomie. Située dans le Centre-Nord du Burkina Faso, Korsimoro est une ville productrice de l’oignon grâce à ses vaillantes femmes qui ont fait de la culture de cette légume, une réalité au pays des Hommes intègres. Bien qu’elle soit peu organisée, la filière oignon est donc incontestablement en nette croissance et se hisse à la tête des cultures maraîchères au Burkina Faso. La culture de l’oignon génère annuellement d’importants revenus aux acteurs de la filière. Des femmes entrepreneures, on en trouve aux quatre coins du Burkina. Citées en exemple dans leur domaine, elles réussissent à force de persévérance et aussi grâce à l’appui de certains partenaires, à se faire une place au soleil, dans les fermes ou les marchés à l’image de ces femmes de Korsimoro.
Saïbata Sawadogo, présidente de la coopérative de productrices d’oignons Wend songda de Hanhui fait remarquer que c’était vraiment difficile pour elle avant qu’elle ne commence la culture d’oignons. « Depuis que j’ai commencé ce travail, je m’en sort très bien parce qu’aujourd’hui, j’arrive à prendre soin de moi-même, scolariser mes enfants, régler les problèmes de santé. Je me suis même acheté mon vélo pour me déplacer et également pour mes enfants. J’arrive à aider mon époux pour les dépenses quotidiennes », témoigne-t-elle.
Toutefois, des difficultés existent : « Nous avons besoins des machines pour moderniser la culture. Nous produisons mais nous n’avons pas de marchés pour la commercialisation parce qu’il est difficile de produire et de ne pas avoir de débouchées pour la vente. Nous souhaitons que l’Etat et les partenaires nous accompagne surtout pour conquérir les marchées du Ghana, du Togo, de la Côte d’Ivoire et du Bénin. Je compte vraiment développer cette activité pour répondre aux besoins de ma famille. »
Pour le cas pratique de ces femmes de Korsimoro, Naaba Boulga, chef du village de Hanhui explique que c’est depuis 1991 que l’ initiative a vu le jour. En effet, les femmes louent la planche (30m/5m) à 5.000 FCFA et contribuent pour l’entretien et l’achat du carburant pour les motopompe à hauteur de 2500 FCFA par ans. « Il y a plus de femmes que d’hommes. Elles viennent de tous les villages environnants et chacun y gagne pour son compte. Nous avons besoins d’aide parce que la demande est forte mais malheureusement, nos moyens sont limités. Nous souhaitons également que la mutuelle nous accompagne davantage », explique le propriétaire terrien.
Difficultés rencontrées
Malheureusement la chaîne de valeurs des oignons de l’Afrique de l’Ouest en général et au Burkina en particulier, est caractérisée par une forte saisonnalité et d’importantes insuffisances structurelles et organisationnelles qui entravent la capacité des producteurs à satisfaire entièrement la demande du marché sous régional tout au long de l’année. En outre, la faible capacité des États à surveiller les flux transfrontaliers en particulier lorsqu’une grande partie des échanges est effectué par le secteur informel ne facilite pas une analyse et une compréhension plus exhaustive de la portée actuelle du commerce sous régional. Cette situation a permis à d’autres pays plus efficients et grands producteurs, de l’UE et d’ailleurs, d’exploiter ce qui constitue un fossé de compétitivité croissant en ciblant les marchés de l’Afrique de l’Ouest, particulièrement pendant les mois de morte-saison.
Ce qui justifie la pratique de l’agro écologie depuis bien des lustres au pays de Thomas Sankara. Yves Zongo est le président de l’Association pour le développement des techniques agro écologie (ADTAE). Il explique que l’agro écologie est l’ensemble des pratiques pour amender le sol et son environnement et attendre de ce sol et son environnement, ce qu’il a pour les humains. En effet, c’est tout un triangle vertueux qui consiste à utiliser tout ce que l’on produit comme matière organique pour produire du compost afin d’être utilisé dans le maraichage comme dans l’agriculture pour produire dans une dimension plus élevée et valeureux, de sorte qu’on puisse utiliser les produits pour nourrir l’humain et les animaux. Et les matières organiques que laissent les humains et les animaux peuvent être réutiliser. Ainsi, l’être humain se protège, arrange son environnement, utilise les animaux, les arbres et les herbes et est en perpétuelle amélioration et production. Cette pratique est entrée dans les pratiques au Burkina Faso depuis la crise de 1974 où il y a eu moins de pluie et surtout plus de famine. Selon Mr Zongo, avec cette pratique qui permet d’avoir de la fumure en 70 jours, il n’y a plus de sol non productif. « On peut comme en Israël, produire sur tous nos sols arides et les amender et les transformer en récupérant les sols pauvres et arides. Les onze millions de km2 utilisables pour l’agriculture peuvent s’améliorer en récupérant ces sols-là », insiste le spécialiste.
Membre de la coopérative Wend songda, Mariam Zabré indique qu’au début, elle utilisait les produits chimiques pour cultiver mais depuis qu’elle a fait l’expérience du compost, sa production s’est améliorée et est très appréciées des clients. « La terre ne demande pas assez d’eau pour la culture et nous constatons nous-mêmes que l’oignon est de très bonne qualité. En plus, l’engrais chimique détériore le sol. La conservation de l’oignon cultivé avec l’engrais chimique est plus difficile que celui produit avec le compost », témoigne dame Zabré.
Au-delà des difficultés liées à la commercialisation, le stockage des productions est une problématique à résoudre pour ces femmes en témoigne Rakieta Sawadogo, une grossiste : « Je viens acheter les oignons dans le jardin et je les revend aux commerçants de la Côte d’Ivoire, du Ghana etc. Etant donné que nous n’avons pas de magasin de stockage digne du nom, je suis obligée d’utiliser des techniques propres à moi pour la conservation. Même s’il est vrai que les clients sont satisfaits de la qualité de nos oignons, il n’en demeure pas moins qu’un bon magasin de stockage nous permettra de bien conserver afin de les vendre à plein temps. J’avoue que ce commerce me permet de bien gagner ma vie. »
La mutuelle de microcrédit pour sauver les meubles…
la Mutuelle de microcrédit en milieu rural de ladite association que dirige Priscille Zongo semble être l’une des solutions pour venir en aide à ces braves femmes qui entendent obtenir une véritable autonomie financière à partir de la culture d’oignon. « C’est mutuelle est née de la volonté de l’ADTEA d’autonomiser la femme. L’agro écologie est un cercle fermé où on met tout en œuvre pour l’Homme puisse profiter de la production agricole. Et si cette production agricole n’est pas transformée, il manquera quelque chose dans la chaine. D’où l’importance de mettre l’accent sur la femme qui est responsable de la transformation des produits agricoles en milieu rurale. C’est ce qui justifie la création de cette mutuelle de microcrédit depuis 1990 », explique Priscille Zongo.
En effet, ladite mutuelle joue le rôle d’interface entre les coopératives et les banques classiques. Mais au-delà, c’est une véritable course contre la montre pour cette passionnée de l’agro écologie qui se bat bec et ongles pour l’autonomisation de la femme en milieu rural. « L’objectif pour nous, c’est de transformer la production agricole mais surtout d’autonomiser la femme. Et il y a un vrai motif de satisfaction lorsque vous écoutez les témoignages des femmes qui disent qu’elles arrivent à subvenir à leurs besoins et qu’elles se sentent utiles dans la communauté », se réjouit-elle.
Ce qui emmène dame Zongo à se rendre régulièrement sur le site de production pour assister ces femmes afin de mener avec elles, cette aventure humaine. Fort de ce que le rapport travail fourni et résultat peut être amélioré, la coordonatrice de la mutuelle espère vivement l’accompagnement de partenaires publics et privées pour améliorer les conditions de travail et de vie de ces femmes. Parce que pour elle, il faut permettre aux indigents d’être pauvres et aux pauvres à atteindre l’autonomisation.
Investir dans l’oignons en Afrique : Un secteur porteur pour la jeunesse entreprenante
C’est un des légumes crus les plus commercialisés dans le monde grâce à sa durée de conservation relativement longue. Les pays d’Afrique de l’Ouest tels que le Nigeria, le Niger, le Sénégal, le Burkina Faso, sont de grands producteurs d’oignon. Toutefois, seuls le Nigeria et le Burkina Faso produisent des quantités qui excèdent la demande intérieure. Avec une production annuelle moyenne de 1,1 million de tonnes environ, l’Afrique de l’Ouest représente moins de 2% de la production mondiale d’oignon selon les experts. En termes d’exportation, le Niger et le Burkina sont les deux seuls pays en Afrique de l’Ouest qui produisent des oignons en quantité suffisante pour satisfaire la demande intérieure et pour exporter leur excédent. Au Burkina, la production et le surplus est exporté vers les pays voisins tels que le Ghana, la Cote d’ivoire et le Togo.
Source : http://www.fasozine.com/component/content/article.html?id=8254:agro-ecologie-ces-femmes-de-korsimoro-qui-nourrissent-la-terre-pour-se-nourrir